vendredi 22 janvier 2010

Ecrire pour apprendre à lire

Pendant plusieurs siècles, les élèves ont appris à écrire avant d’écrire. On ne voyait pas l’intérêt de faire écrire les enfants avant qu’ils sachent le faire correctement. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Aujourd’hui nous faisons écrire les élèves, dès le CP, dès la maternelle. Cette pratique semble très étrange pour de nombreuses personnes aussi vais-je prendre le temps de me pencher dessus.

Nos chercheurs pensent que le fait d’écrire (l’activité d’écriture) va aider les enfants à apprendre à lire. Etrange, n’est-ce pas ? Lire et écrire semblent être deux activités distinctes. En quoi le fait d’écrire (de mal écrire) peut-il aider un élève à lire correctement ? Dans un premier temps, nous verrons pourquoi les pédagogues privilégient des activités d’écriture pour l’apprentissage du lire-écrire. Dans une deuxième partie nous verrons comment, concrètement, dans une classe nous pouvons mener ce genre d’activités.

1) Pourquoi écrire pour apprendre à lire?

Deux raisons essentielles. La première est que l’écriture permet de construire plus activement la connaissance du code. Que signifie cette théorie en français ? Quel est ce code ? Est-ce le « Da vinci code » ?

Nous parlons du code « grapho-phonologique ». Ce code fait correspondre à un son, un écrit. Il est nécessaire pour lire de faire correspondre à des signes écrits, des sons. Quand vous lisez le mot « le », vous allez prononcer à voix haute le son « le » qui lui correspond. Maintenant dites-vous que pour écrire c’est la même chose. A l’envers. Si vous voulez écrire « bonjour ». Il faut chercher par quels signes écrits vous allez représenter les sons « bon » et « jour ». De cette manière vous étudiez « activement » le code grapho-phonologique.

La seconde raison est que l’écriture permet une entrée efficace dans la culture de l’écrit. Que signifie « la culture de l’écrit » ? Comme il existait une « culture de l’oral » dans les civilisations primitives, nos civilisations ont développé une culture de l’écrit. Vous savez à quoi correspond chaque support. Si vous voyez un journal, vous savez qu’il contient des informations. Si vous voyez un roman vous savez qu’il contient une histoire. Si vous allez dans un pays européen dont vous ne parlez pas la langue et que vous voyez une plaque de fer portant des inscriptions dans chaque rue, vous devinez qu’il s’agit du nom de la rue. Vous êtes capable de deviner des choses, avant même de les lire, parce que vous savez à quoi servent ces inscriptions.

La culture de l’écrit c’est aussi la communication différée. A l’oral, vous parlez avec votre interlocuteur quand il est présent. A l’écrit, vous écrivez un texte qui ne sera pas lu tout de suite. Il faut s’efforcer d’être clair et compréhensible car vous ne serez pas là pour expliquer les points d’ombre à votre interlocuteur.
En tant que scripteur (la personne qui écrit) vous découvrez une culture de l’écrit que vous utiliserez en tant que lecteur. Cela vous permettra de lire plus efficacement.

Maintenant, certains d’entre vous vont peut-être objecter que « c’est de la théorie ». Est-ce que dans la pratique cette démarche fonctionne ?

2) Quelles situations d’écriture peut-on proposer en classe à des élèves qui ne savent pas encore écrire ?

a) La dictée à l’adulte
Les élèves peuvent dicter un texte à l’adulte (en l’occurrence leur professeur).
Prenons un exemple concret. La classe est allée visiter une ferme. Les élèves veulent écrire un résumé pour leurs parents. Ils ne savent pas écrire. Le professeur se propose d’écrire le résumé sur une feuille. Les élèves vont tenter de dicter un texte et c’est là que ça devient intéressant.
Pour dicter un texte, on est obligé de construire des phrases correctes, donc on est obligé de réfléchir sur la manière dont on construit une phrase.
Si un élève commence une tirade « onestallévoirlesvaches » il va rapidement constater qu’à l’écrit on découpe les mots « on est allé voir les vaches ». Caractéristique de l’écrit que l’enfant ne découvrirait jamais s’il restait dans sa culture de l’oral.

b) Ecriture tâtonnée
L’écriture tâtonnée consiste à faire écrire quelque chose aux enfants. « Ecrivez une affiche » par exemple. Les enfants ne savent pas écrire mais ils voient des affiches autour d’eux. Ils vont tenter d’écrire quelque chose.
Le résultat sera faux évidemment. Mais ce n’est pas ce qui nous intéresse. Quand un enfant tente d’écrire, on voit immédiatement ce qu’il a compris et ce qu’il n’a pas compris. Est-ce qu’il utilise des lettres ? Est-ce qu’il découpe les mots ? Est-ce qu’il sait déjà écrire un mot connu (son prénom par exemple) ?
L’écriture tâtonnée permet à l’élève de se confronter à l’écrit et permet à son enseignant de voir où se situe l’élève.

En conclusion, les chercheurs s’accordent pour préconiser un enseignement solidaire et interactif de la lecture et de l’écriture.

DIPHTéRIC: les étapes de la démarche scientifique

«
On a dit quelque part que la vraie science devait être comparée à un plateau fleuri et délicieux sur lequel on ne pouvait arriver qu’après avoir gravi des pentes escarpées et s’être écorché les jambes à travers les ronces et les broussailles
».
Claude Bernard (1865).


La démarche scientifique n’a pas toujours fonctionné de la même manière. La physique d’Aristote n’est pas celle de Descartes ou celle de Bachelard. Quelle est la démarche enseignée dans les écoles primaires ?

Voici un moyen mnémotechnique pour s’en souvenir : DIPHTéRIC. Je sais que ce mot ne correspond à rien. Cela m’évoque plutôt la diphtérie, prononcée par un barbare wisigoth. A quoi correspond ce mot ?

Données Initiales

Formulation d’un Problème

Emission d’Hypothèse(s)

Test :
- Vérification des hypothèses
- Observation
- Expérience
- Modélisation
- Recherche documentaire

Résultats (analyse) et Interprétation

Conclusion

Pour illustrer ce modèle théorique, j’écrirai bientôt une série d’articles sur des séquences effectuées en classe.

Programmation > Séquence > Séance

Attention ! On peut être tenté de confondre ces trois mots mais dans le domaine éducatif, ils désignent trois réalités distinctes.

La programmation est annuelle. Elle sert à « programmer » une année scolaire. La programmation va indiquer à quelle période de l’année il faudra étudier telle ou telle notion. La programmation est conçue d’après les programmes officiels (choisis chaque année par l’Education Nationale).

La séquence représente une unité temporelle plus petite. Une séquence vise un objectif général (au programme). Par exemple une séquence peut avoir pour objectif la technique de l’addition ou la notion de vérité. Une séquence contient plusieurs séances.

La séance représente l’unité temporelle. La séance est « l’atome » pédagogique. Une séance dure 30 à 55 minutes selon la classe. Une séance a un objectif spécifique, particulier. Une séquence contient plusieurs séances.

Exemple : dans la séquence « vérité », je peux faire une séance sur « l’étymologie du mot vérité ». Dans la séquence « technique de l’addition », je peux faire une séance sur « ajouter deux nombres à un chiffre ».

Pour le professeur, chaque séance a un objectif. Pour l’élève chaque séquence (et si possible chaque séance) doit déboucher sur une compétence. A la fin de la séquence « Je suis capable de poser une addition ». « Je suis capable de faire une dissertation sur le thème de la vérité ».

Les mesures et les unités

Une mesure est quantitative et non qualitative. Une mesure doit aboutir à un nombre. Exemple : si je mesure un immeuble je trouverai que l’immeuble mesure 15mètres de haut. Je ne vais pas aboutir à la conclusion que l’immeuble est « haut » ou qu’il est « beau ».

Une mesure nécessite trois choses :
- Un système commun d’évaluation (sinon on va se disputer)
- Un étalon (sinon on va se disputer)
- Des instruments adaptés (sinon…je crois que vous avez compris)

Faisons un petit rappel historique. Comment faisait-on en France pour mesurer avant d’avoir le « mètre » ? Il existait des toises. Mais d’une ville à l’autre la toise ne représentait pas la même chose. Difficile de commercer dans ces conditions. Suite la Révolution française de 1789 nous avons décidé de créer une unité de mesure qui serait la même pour tous.

Quelles sont les unités de mesure ?

Longueur Le mètre (m)
Masse Le kilogramme (kg)
Température Le degré Kelvin (°K)
Temps La seconde (s)
Vitesse Mètre par seconde (m/s)
Surface Mètre carré (m²)
Volume Mètre cube (m³)

Quels sont les instruments utilisés ?

Pour la longueur : le mètre ou le double décimètre (plus facile à ranger dans une trousse).
Pour le volume : Un verre mesureur ou le calcul (moins fragile que le verre).
Pour la masse : Une balance, un pèse-lettre, une balance romaine ou encore une balance Roberval (…)
Pour la température : le thermomètre.

Enfin pour le temps c’est plus compliqué. On ne mesure pas exactement le temps. On mesure une durée. Comment pourrions-nous mesurer une durée ? Il nous faut une unité de mesure. Il faut pouvoir marquer le début et la fin. Enfin, il nous faut un phénomène périodique (régulier).
On peut utiliser (et on longtemps utilisé) les phénomènes astronomiques : les jours, les saisons.
On peut utiliser les instruments basés sur l’écoulement d’un fluide : le sablier, la clepsydre (horloge à eau).
Si certains se demandent où et quand on a pu utiliser des clepsydres, j’ai un exemple célèbre. Athènes, 5ème siècle avant JC, les citoyens se réunissaient sur l’Agora (grande place) pour discuter des affaires. Puisqu’il s’agissait d’une démocratie tout le monde avait le droit de s’exprimer. Mais tout le monde ne pouvait pas parler simultanément. Alors, un esclave était chargé de la clepsydre. Il vérifiait que chacun ne dépassait pas le temps de parole imparti.
On peut utiliser des systèmes oscillants : le pendule (utilisé dans les vieilles horloges).
Enfin il reste les instruments à engrenage : chute de poids/ressort, quartz…bref les montres.

L'erreur

Est-il bien vu de faire des erreurs ?

A priori non. Quand on dit « j’ai commis une erreur », en général, on regrette ce qu’on a fait. On s’est trompé. On aurait préféré faire autre chose.
Une erreur c’est faire autre chose que la chose attendue. C’est l’écart entre notre réponse « réelle » et la réponse « parfaite ».

Errare humanum est. « L’erreur est humaine » a-t-on coutume de dire car l’erreur est partout. Et plus particulièrement, elle est présente dans les apprentissages. Quand on cherche à apprendre, on fait inévitablement des erreurs.

Mais quel est le statut de l’erreur dans une démarche d’apprentissage ?

Pour certains, l’erreur est une mauvaise chose. Selon la conception béhavioriste, l’erreur est à éviter. Comment l’éviter ? En répétant de nombreuses fois les exercices. Il faut adopter la bonne méthode et la répéter. Ce système fonctionne très bien (c’est le principe suivi par les « boîtes à bachotage ») mais développe-t-il l’intelligence, l’initiative, la capacité à improviser devant un problème nouveau ?

A l’inverse, certaines personnes pensent qu’une erreur peut être bénéfique. Cette population s’appelle « les profs ». Les professeurs sont des humains capables de dire « Voilà une erreur intéressante », « Vous avez bien fait de faire l’erreur maintenant », « Vous avez bien fait de faire cette erreur, tout le monde va en profiter ». Pourtant les professeurs sont les premiers à sanctionner les erreurs relevées dans les copies. Alors on peut se demander en quoi une erreur peut être utile.

Une erreur nous apprend quelque chose. Une erreur n’est pas innocente. Elle ne survient pas par hasard. L’erreur est le signe que l’élève a suivi une théorie, une démarche particulière. L’erreur peut nous permettre de comprendre ce que…l’élève n’a pas compris.

Je prends un exemple connu. Une maîtresse de CP demande à ses élèves de trouver des mots contenant le son [a].
Elève n°1 : Maaaaaaman.
Maîtresse : Oui.
Elève n°2 : Papa.
Maîtresse : Oui.
Elève n°3 : Tonton !!
Dans un premier temps, on peut être tenté de penser que l’élève n°3 dit n’importe quoi. Sa réponse n’a rien à voir avec la consigne. Pourtant cet enfant suit une certaine « logique ». Sa logique. Il a entendu qu’on parlait de « maman » et de « papa » et il a conclu qu’il fallait chercher d’autres membres de la famille.
Chaque humain suit sa propre logique. L’erreur permet d’entrevoir le cheminement de la pensée suivi par autrui.

Quelles sont les différentes familles d’erreur ?

Erreurs liées à la compréhension de la tâche :
- Situation mal comprise
- L’élève répond à autre chose qu’à la question

Ce type d’erreur peut être lié à la consigne. Si la consigne est floue, ambigüe ou trop complexe un élève peut s’emmêler les pinceaux. En outre, un élève peut se laisser tromper par les mots de la consigne.
Jean a 18 billes de plus que Paul. Jean a 22 billes. Combien Paul en a-t-il ?
Certains élèves lisent la première phrase. Ils lisent « de plus » et ils se disent immédiatement qu’il s’agit d’une addition puisqu’on parle de « plus ». Logique non ? Ensuite ils vont tenter de poser 18+22 pour trouver une réponse.

*****

Erreurs liées au mauvais traitement des données :
- Opérations mentales
- Erreurs de calculs
- Stratégies détournées ou mal adaptées

*****

Erreurs liées au comportement (lenteur par exemple).
Erreurs liées à la notion.

D’où viennent les erreurs ?

Les erreurs ont plusieurs sources possibles.
Selon la matière étudiée, il existe différents problèmes. Chaque matière, chaque discipline rencontre des difficultés particulières. C’est pourquoi on a créé les didactiques.

J’en profite pour indiquer une distinction. La pédagogie vise à étudier l’enseignement comme un phénomène global. A l’inverse la didactique étudie précisément une discipline (et la manière dont elle est enseignée). On parlera ainsi de la didactique des mathématiques, de la didactique des sciences, etc.

Par conséquent, les erreurs peuvent être liées aux « situations didactiques » de transmission des savoirs. Les erreurs peuvent provenir de la manière dont les activités sont mises en place. A ce stade les professeurs peuvent intervenir puisqu’ils contrôlent cette partie du dispositif. On peut choisir de modifier son activité.

Enfin, la compréhension d’un nouveau phénomène dépend de nos connaissances antérieures. Malheureusement nos connaissances antérieures peuvent nous induire en erreur. Bachelard avait identifié dix obstacles épistémologiques dans son livre La Formation de l’esprit scientifique. Il y a des obstacles dans l’esprit humain.

Exemple. Pendant des siècles on a cru que la rouille était une maladie du fer. Cette explication n’est ni rationnelle ni scientifique, ni vraie. En revanche, cette théorie avait le mérite d’être facilement comprise par tout le monde. On connaissait l’idée de « maladie » et on la « plaquait » bêtement sur ce phénomène pour tenter de l’expliquer.

Ce qu’a fait l’humanité pendant des siècles, chaque humain le refait à son échelle. Les jeunes enfants ont une approche animiste du monde (ils croient que tous les objets sont animés) et mettront un certain temps à concevoir rationnellement le monde. On essaie de comprendre les nouvelles choses à partir des anciennes. Donc si on parle de « l’aire d’un carré », certains élèves sont susceptibles de croire qu’on parle de l’air (atmosphère, ce qu’on respire), de l’air (sympathique, antipathique) ou encore de l’ère (historique).

Pour éviter ce genre de confusion, on demande généralement aux élèves de donner leurs « représentations initiales » (leur vision du phénomène) pour que leur professeur mesure la distance à parcourir entre la vision « actuelle » et la compréhension du phénomène.


Pour aller plus loin :
Amigues R. et Zerbato-Poudou M.-T., Les pratiques scolaires d’apprentissage et d’évaluation, Paris, 1996, Dunod
Bachelard, La formation de l’esprit scientifique
CNDP, Document d’application « Sciences et technologie (cycle 3) »
Reuter Y., Pour une autre pratique de l’erreur, Revue Pratiques n°44, décembre 1984
Roubaud M.N., Reconsidérer l’erreur, Les Cahiers pédagogiques n°438, l’évaluation des élèves, 2005.

samedi 16 janvier 2010

Pourquoi ce blog ?

Bonjour.



Pourquoi un énième blog sur l'enseignement ?



Ce blog a-t-il pour vocation de contester les méthodes traditionnelles? De critiquer le gouvernement ou les réformes? De rassembler les commentaires rageurs des professeurs (ou des élèves) écoeurés par le système?

Non.

L'objectif de ce blog n'est pas de juger ou de critiquer. L'objectif de ce blog est de diffuser des informations et des savoirs sur l'enseignement.

Pourquoi ?

L'Ecole Française vise un idéal. Depuis Condorcet jusqu'aux ZEP, en passant par Jules Ferry, notre pays s'est efforcé de bâtir une école pour tous qui permettrait l'éducation des enfants, de tous les enfants. Avons-nous atteint cet idéal? Avons-nous 100% de réussite au baccalauréat? avons-nous seulement 100% d'enfants lecteurs au collège? Pas encore.
Je ne tiens pas à rentrer dans un débat du type "A qui la faute ?". Le manque de moyens, le délabrement de la société ou la télévision peuvent expliquer certaines difficultés mais ne cherchons pas d'excuses. Nos amis américains diraient que "les incapables cherchent des excuses, les gens compétents cherchent des solutions".

Avons-nous des solutions pour progresser vers cet idéal?

Oui. Nous avons la Recherche. Plusieurs pays (et notamment la France) mènent des recherches, depuis des décennies, pour améliorer le système. Toutes les découvertes ne sont pas vulgarisées. C'est pourquoi ce blog se propose de diffuser des renseignements sur ce système infiniment complexe qu'est l'éducation.